Léon Vérane - JAC KALLOS, POEMES, TEXTES ET PHOTOS

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Léon Vérane

Chroniques



Léon Vérane, par Decaris
(Collection privée)


Léon Vérane et les poètes fantaisistes.

En poésie, comme dans tant d’autres arts, la première moitié du XX° siècle a été marquée par la volonté de renouvellement. Le mouvement fantaisiste est né du désir de nombreux jeunes poètes de rompre avec les formes et les thèmes qui du romantisme au symbolisme, en passant par le naturalisme et autres –ismes, avaient marqué les décennies précédentes. A partir des années 1910 vont naître divers Cahiers et Revues qui feront une part généreuse, voire unique, à des poètes se réclamant d’une poésie plus vivante, rythmée et chantante. Ainsi Francis Carco écrit-il en 1931 Le doux Caboulot ce troublant poème où Jeanne et Pierre ne regrettent rien…
         Le doux caboulot
         Fleuri sous les branches
         Est tous les dimanches
         Plein de populo. (1)
mis en musique par Jacques Larmanjat et chanté pendant plusieurs décennies par Montand, Gréco, Colette Renard et tant d’autres.  


Avec sa revue « Les Facettes » née en 1910 et qui paraîtra malgré quelques interruptions jusqu’en 1946, le Toulonnais Léon Vérane a occupé dans ce foisonnement une place à part, par sa fidélité tant à un mouvement que le temps et les évènements vont peu à peu user qu’à un tissu d’amitiés et d’estimes inébranlables. Une revue largement ouverte aussi aux illustrateurs parmi lesquels le graveur Albert Decaris a occupé une place privilégiée. La liste des poètes fantaisistes publiés dans Les Facettes dépasserait les limites de cette rubrique et peut être retrouvée sur le site que les amis de Léon Vérane lui ont consacré (2). Citons cependant Marcel Ormoy, Vincent Muselli, Carco bien sûr, et Philippe. Chabaneix dont la revue Le Divan a joué aussi un rôle important dans le mouvement fantaisiste.

A Toulon, Vérane habitait sur le cours Lafayette mais, comme l’a raconté le poète Jacques Marlet (3), il était difficile de le trouver au nid et, pour ce faire, il valait mieux tenter sa chance du côté de la librairie de Jean Racine (André Caselli en poésie) ou, de bistro en bistro pour boire le canon de rouge ou manger des moules, des oursins, des violets ainsi que l’a narré son ami Jean Jacob (4). Cela n’empêchait nullement le poète de travailler à la mairie, ni de sacrifier aux rites félibres en écrivant des poèmes en provençal…Mais c’est bien dans les bars qu’il trouvait le plus clair de son inspiration :
                                                                         Les flacons arboraient d’étranges étiquettes,
                                                                         Une fille faisait ses lèvres au miroir :
                                                                         L’aveugle, sur le seuil, d’une aigre clarinette
                                                                         Aggravait à dessein la descente du soir. (5)

Mais fantaisie rime souvent chez tous ces poètes avec nostalgie, la première ne servant en fait qu’à cacher la seconde en l’habillant au besoin d’humour, cette « politesse des désespérés ». Avant de se réfugier sur les hauteurs de Solliès-Ville, Vérane avait toujours affecté de tourner le dos à la rade pour se perdre dans les rades de la rue d’Alger et ne connaître de l’aventure que ce qu’en racontaient les matelots en goguette. Et voici que sur le tard il le regrette :
                                                                         Quand d’autres s’inscrivaient sur les pages du rôle,
                                                                         Nous avons agité nos mouchoirs sur le môle,
                                                                         Que nos jours maintenant soient en proie aux regrets ! (6)

Et c’est sur ce thème du regret de n’avoir jamais navigué que Sur le navire « Fantaisie » qu’il dédie à Francis Carco un sonnet octosyllabique pour célébrer ces cinq fins matelots (7) dont
                                                                         Trois sont morts, la vague en hurlant
                                                                          Les a pris un soir de tempête,
                                                                        Nous restons deux sur la goélette
                                                                          …………………………………….
                                                                          Et nous avons les cheveux blancs. (8)

                                                                                                                                                                           Jac Kallos (septembre 2013)


(1)  Le doux caboulot, in Vers retrouvés
(2)  http://www.leon-verane.fr/
(3)  Vérane et les bars, in Hommage à Léon Vérane, Points et Contrepoints n°42, décembre 1957
(4)  Léon Vérane, ibidem
(5)  Le Diable au Bar, in Les Facettes (mars 1946)
(6)  Les aventuriers, in La fête s’éloigne,  Editions Ariane, Paris 1945.
(7)  Vérane, Carco, Jean-Marc Bernard, Jean Pellrin et Tristan Derême
(8)  Sur le navire « Fantaisie », ibidem.


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